Ils parlent de leurs chiens

L’histoire d’un chien, d’un champion, de Kifli.

Par Yann Latrompette 

Le sport, la glisse, les chiens et la nature sauvage du grand nord de l’Alaska m’ont toujours fait rêver.
Je suis né le 2 août 1977 à Avignon. Mes parents sont d’anciens sportifs assidus et ma grande sœur est née en Hongrie, elle-même sportive internationale gymnique. J’ai passé mes soirées et week-end dans les salles de gymnastique au côté de ma mère. Du fait de mon hyper activité détectée depuis mon plus jeune âge, je suis passé par différentes pratiques sportives : la gymnastique, le judo, l’athlétisme et enfin le ski de fond.
Tous ces sports m’ont appris la discipline, m’ont permis de développer mes capacités et m’ont aussi aidé à mieux gérer mon corps dans l’espace.

Je pratique le ski de fond, depuis mes 3 ans. C’est le sport que j’ai vraiment choisi, fortement influencé par la nature, le calme et cette sensation de liberté que je n’ai jamais trouvé nul part ailleurs. Ayant la double nationalité franco-hongroise, entre 1993 à 2000 j’ai couru sous les couleurs de la Hongrie en participant à 3 championnats du monde junior, 1 Olympiade et 1 championnat du monde élite (1999). Courir pour une petite fédération telle que la Hongrie m’a appris à développer mon sens de l’autonomie au plus haut niveau, trouver mes sponsors équipementiers et financiers, organiser mes voyages en stages et compétitions. Depuis toujours, j’ai rêvé d’Olympisme. En 1998, sous les couleurs de la Hongrie, j’ai pu accéder à mon rêve de gosse et participer aux Jeux Olympiques de Nagano (Japon).

En 2000 j’intègre l’équipe de France handisport de ski nordique et biathlon. Je deviens le guide attitré de Philippe Terral, athlète mal voyant. Ensemble on a eu de beaux podiums en coupe du monde et nous sommes sélectionné au Jeux Paralympique de Salt Lake City (USA). En prêtant pendant trois ans mes yeux à Philippe j’ai découvert le travail du binôme, une expérience unique qui m’a fait grandir, aussi bien sur le plan humain que sur le plan sportif.

Ma rencontre avec Kifli

1993…J’ai 16 ans, c’est l’année où tout a basculé pour moi : j’étais en vacances en Hongrie, attiré par une expérience qui sort de l’ordinaire, adopter mon premier chien et pratiquer avec lui, le ski nordique. J’étais totalement fasciné par cette sensation d’être tracté par son chien et cette cohésion du deux en un.
Comme chaque jour, à travers la campagne hongroise, j’avalais mes 50 kilomètres en skis à roulettes quand soudain je me suis senti appellé par un attroupement de gros chiens. Derrière un portail, une dizaine des lévriers hongrois (Magyar Agár) ! Sans le savoir, j’étais en train de réaliser mon rêve, celui de croiser le chemin de mon futur compagnon canin Kifli. A peine rentré dans la cour, j’ai vu ces magnifiques lévriers hongrois, un chiot d’un mois s’est dirigé vers moi. Tout heureux et très confiant, m’apportant tout fier, son trésor, une vieille chaussure. Et voilà comment on est rentré en communication tous les deux ! Sous forme de jeu. Le propriétaire me proposa de l’adopter et en échange de lui envoyer des photos de nos futurs périples sportifs, sous les couleurs de la Hongrie. C’est comme ça qu’une belle histoire de binôme s’est construite dès ce jour d’été 1993. J’ai décidé de l’appeler « Kifli », sa forme et sa couleur me faisait penser à un « croissant ». Kifli veut dire croissant en langue hongroise.

Kifli dormait avec moi, je ne l’attachais jamais en laisse. Très rapidement il est devenu mon fidèle compagnon, partout où j’allais il était à mes côtés. Quand j’allais à l’école, il attendait sagement que je rentre. Il se cachait derrière la porte pour poser ses grandes pattes avant délicatement sur mes épaules, me souriant avec ses dents visibles. Nous allions ensuite courir dans les rues de Grenoble.

Ses premiers essais en ski joering (skieur de fond en skating tracté par un chien) et en ski pulka (skieur de fond en skating tracter par un chien mais avec une luge dit pulka lesté à 75% du poids du chien) était folklorique, il ne voulait pas tracter. A chaque départ en compétition il tremblait et partait en marchant alors que tous les autres chiens aboyaient et bondissaient d’envie de tracter. Mais une fois les 100 premiers mètres passés, Kifli se mettait à courir du haut de ses 87 cm au garrot et développait sa masse musculaire de 44 Kg. Cette sensation de ne faire qu’un en plein effort n’a pas de comparaison, Kifli me tractait pour me faire plaisir et je m’appliquais à skier du mieux que je pouvais pour l’aider à me tracter le moins possible.

 

Un champion à 4 pattes

Entre 1995 et 1997 nous gagnerons plusieurs courses internationales et des classements généraux de coupe du monde. Mais surtout je garde des souvenirs de voyages inoubliables notamment lors du championnat d’Europe en 1995 à Serre Chevalier. Lui et moi avions très mal dormi car le lit était trop petit pour nous deux. Alors le matin de course, avec le stress j’ai inversé le protocole d’échauffement en partant skier seul sans le sortir se dégourdir les pattes. Pour se venger il a uriné sur mes skis courses !

Pendant sept ans, nous étions inséparables, je me suis laissé guider par les émotions de Kifli pour comprendre la « vraie » relation homme / chien. Ces relations si particulières que nous avions m’ont permis d’apprendre le comportement animal et l’attention si fidèle qu’il peut nous accorder. Je lui ai appris à me tracter, il m’a appris à le comprendre, le guider, il m’a accepté.

Le ski joëring, skier avec son chien est une discipline ludique et sportive, qui peut être vue comme une pratique paresseuse du skating mais en fait c’est tout l’inverse. Cette sensation de traction portée par l’effort de la course du chien est tout simplement extraordinaire ! Voir son compagnon canin prendre du plaisir à s’évader avec soi au milieu de nulle part, avec comme récompense une glisse infinie sur la neige, une légèreté totale et ça dans un cadre naturel et splendide, on aimerait que cela ne s’arrête jamais, Pour parcourir en symbiose les kilomètres à travers la forêt, la laisse élastique est le meilleur moyen de communication avec son binôme canin. Nul besoin de parler, seule la gestuelle fait guise de connexion et de communication. Une connexion basée sur la confiance et l’instinct. Le but est de créer une force et énergie commune pour être le plus performant possible ensemble.

Le ski joëring est aussi une activité de découverte de la nature qui jouit également d’une réputation « dé stressante », favorisant le bien-être et procurant une sensation totale de liberté.

Depuis 2011, j’interviens dans différentes formations et stages en France et au Québec. Mon objectif est de transmettre mon expérience aux débutants comme aux experts mais aussi de leurs faire partager des moments inoubliables. Le ski joëring est une activité complète, saine et ressourçante.

La plus grande partie de nos stagiaires sont des débutants et ne se doutent pas de leurs capacités à skier avec leur chien. Ils découvrent à quel point la confiance est l’élément « clé » de la réussite du binôme pour pratiquer simplement ce sport de glisse tracté.

Depuis deux ans, je soutiens une belle équipe de passionnés « Musher Pro » dénommée « L’Âme Nordique Aventures » dont l’activité est de faire partager des moments inoubliables en attelage canin et mono chien été comme hiver sur la station de Gresse-en-Vercors avec leurs 23 chiens nordiques dont la plupart sont des chiens sauvés de l’abandon.

J’ai toujours aimé l’univers des grands sportifs, c’est pour cette raison que j’ai voulu continuer à les soutenir et leur apporter mon soutien technique. Je me suis lancé un nouveau défi en devenant concepteur d’équipements sportifs canins. Les premiers retours sont très encourageants. Ce n’est pas pour rien que j’ai décidé de nommer ma marque « KYFLIE » !!!